14 janvier 2015
Non seulement ils sont
débrouillards, mais ils sont fiers, les Cubains.
Volkswagen vitré avec
radiateur ?
Je ne vous referai pas l’historique de l’île de Cuba d’avant Fidel Castro, de l’embargo américain, qui semble-t-il en passant, selon les souhaits du Président Obaman devrait se terminer bientôt.
Je ne vous parlerai pas
de l’invasion américaine ratée de la baie des Cochons, ni de la crise des
missiles, ni des couilles de JFK, mon président américain préféré.
Je vous parlerai plutôt
de mon plus récent voyage, qui était mon premier d’ailleurs, sur cette
magnifique île de Cuba. Magnifique de par ses gens d’abord, de par son paysage
ensuite, de par ses plages et son eau chaude … Je vais vous parler plutôt de
l’incroyable ingéniosité des propriétaires cubains de voitures américaines
d’avant 1960.
On m’avait dit, avant
mon départ : « Toi Michel, amateur de vieilles voitures américaines, quand
tu vas débarquer à Cuba, tu vas devenir fou ». J’avais vu quelques photos
déjà, je pensais qu’on avait réuni quelques voitures pour les soins d’une pub
et pour titiller les émotions nostalgiques de vieux accrochés comme moi, et je
pensais me faire avoir.
Quel choc j’ai eu ! À
peine débarqué de l’avion, j’ai eu l’impression d’être un acteur du film
Pleasantville. On devait être en train de tourner un film d’époque, je peux pas
croire. La dernière fois que j’ai vu rouler autant de voitures des années 50 en
même temps, c’était lorsqu’à 5 ans, je m’asseyais sur la chaise berçante du
balcon de mon grand-père et que les rues de Chicoutimi étaient envahies de ces
belles bagnoles.
Maintenant oubliez
Chicoutimi, oubliez la neige et le froid, amateurs de voitures, achetez-vous un
billet et garochez-vous à Cuba, le rêve ! J’y ai vu de tout : du Chevrolet
Station Wagon deux portes 1955, au Cadillac 1956 décapotable, en passant par le
pick-up 1951 Ford, ô combien de Chevrolet 1957 et de Dodge ! Et de Plymouth !
Et d’Oldsmobile !
Je vous dis, nommez-moi
une marque de voiture américaine des années 50 et elle roule actuellement à
Cuba. Parfois dans un état lamentable, je dis lamentable parce que j’en ai
suivi un qui roulait en Studebaker 1951 et qui boucanait tellement que je
pensais qu’ils avaient ouvert une centrale nucléaire à Cuba.
D’autres voitures, par
contre, sont impeccables, comme si elles sortaient du concessionnaire. À
l’image de cette Cadillac 1959 blanche intérieur rouge, décapotable, qu’on
peine même à voir ici au Québec dans n’importe quelle exposition. Vous me direz
peut être : c’est normal, elle a dû être restaurée, eh bien non. Je vous
affirme que non car pour restaurer une voiture, il faut avoir des pièces
d’origine, ou de reproduction. Et des pièces de rechange, à Cuba, oubliez ça,
‘y en a pas !
À moins que vous
réussissiez, si vous êtes cubain, à convaincre un ami québécois de transporter
une transmission dans ses bagages à main lors de son prochain voyage, vous
n’aurez pas de pièces. Car qui dit embargo dit aussi que non seulement les
produits commerciaux et la nourriture américaine n’entrent plus à Cuba depuis
1962, mais aussi que toutes les voitures américaines sur l’île ont cessé
d’obtenir des pièces au même moment.
Alors dites-moi, quand
on est Cubain, comment fait-on pour continuer à rouler depuis plus de cinquante
ans et même soixante dans certains cas, car détrompez-vous, les Cubains leurs
bagnoles, ils les roulent quotidiennement.
Ici, on les bichonne et
on les expose, là-bas on s’en sert ! Alors pour répondre à la question : ça
prend de l’imagination, et des talents de mécano incroyables ! L’un va vous
parler de sa recette secrète d’huile à moteur dans laquelle il rajoute un peu
de sirop fait à base de noix de coco et de rhum cubain, l’autre va vous
expliquer comment il a fait pour remplacer ses garnitures de frein par des
bandes de cuir vissées sur la plaquette.
Si vous vous demandez
comment remplacer un V8 Chevrolet de 265 p.c. par un moteur de Lada, j’ai le
Cubain pour vous ! Ce qui semble être une farce devient réalité à Cuba. Comme
on dit chez nous : la fin justifie les moyens.
Il est courant de voir
quatre à cinq cubains penchés sur le capot ouvert d’une bagnole en panne
lorgner vers le vieux tracteur John Deere qui traîne dans le champs voisin et
je suis certain qu’avant le coucher du soleil, ils vont avoir trouvé le moyen
de créer la première DeSoto-John Deere au monde !
Non seulement ils sont
débrouillards, mais ils sont fiers. Fiers de leur pays bien sûr, et ils ont
bien raison, et fiers de ce qui est devenu une marque de commerce de ce beau
pays : leurs belles bagnoles.
Si vous voulez accrocher
un sourire à leurs visages, intéressez-vous à leur voiture et posez-leur des
questions. Vous apprendrez que leur vieille Cadillac appartenait à un mafieux
américain, qui se l’était fait livrer neuve en 1955 car il était propriétaire
d’un des fameux hôtels-casino tenus par la pègre américaine à l’époque à La
Havane, et que ce même mafieux a dû laisser sa Cadillac sur l’île lorsqu’on l’a
gentiment invité à quitter le pays à coups de pieds dans le derrière avec
l’arrivée de Fidel Castro et de ses gentils amis.
Ou de ce Dodge 1955 qui
appartenait à une institutrice américaine qui enseignait sur l’île à l’époque
et qui, à son départ, avait laissé sa voiture à son étudiant favori qui n’a
attendu d’avoir l’âge légal pour la conduire, et qui la conduit toujours 60 ans
plus tard … Et oui ! Le même petit garçon devenu grand !
Des histoires comme
celles-là, il y en a à la tonne. Finalement, c’est comme si les cubains avaient
trouvé un élixir de jouvence mécanique qui permettait d'avoir l'impression de
ne jamais vieillir. Lorsque l’on dit que la médecine que l’on applique dans les
hôpitaux cubain est l’une des meilleures au monde, je le crois sans hésiter,
car si les médecins sont aussi ingénieux et brillants que les mécaniciens (et
quand je dis mécanicien, ils le sont tous et ce, sans diplôme) eh bien si
les médecins sont de la même trempe, tous les cubains vont vivre jusqu’à 200
ans.
Sur mon vol de retour,
je me suis posé une question : Si jamais on met vraiment fin à l’embargo, et
que les relations américano-cubaines ressemblent à un soir de noce, j’imagine
déjà les collectionneurs de voitures se dire : peut-être que l’on va pouvoir
enfin convaincre les cubains de nous vendre leurs voitures. J’espère que ça
n’arrivera pas, même si j’aurais bien aimé moi-même en ramener quelques-unes,
car Cuba perdrait ainsi une grande partie de ce qui fait son charme.
De toute façon,
lorsqu’on roule la même voiture tous les jours depuis plus de 50 ans, elle fait
partie de notre famille au même titre que notre grand-mère ! Vendriez-vous
votre Grand-mère à un américain ? Pas moi. Alors amis cubains, continuez
d’entretenir vos beautés mécaniques, je vous souhaite des pièces de rechange
avec la fin de l’embargo, réparez, restaurez, mais s’il vous plaît, conservez
vos bagnoles
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